mercredi 19 janvier 2011

59.
Mais l'amour parti, vient la Muse ;
Mon esprit s'éclaire soudain.
Libre, je cherche à réunir
Beaux sons, sentiments, et pensées ;
J'écris ; mon coeur est en repos ;
Ma plume court, sans s'oublier
A dessiner de petits pieds
Au lieu d'achever le poème;
La cendre est froide pour toujours.
J'ai des regrets, mais pas de larmes.
Bientôt la trace des orages
Dans mon âme s'effacera.
C'est alors que j'entreprendrai
Une épopée en vingt-cinq chants.
A.P.

mardi 4 janvier 2011

Connaissez-vous Serendip?

  • On croit faire un voyage , mais bientôt, c'est le voyage qui vous fait , ou vous défait",écrivait en 1963 le grand reporter voyageur suisse Nicolas bouvier au début de "l'Usage du monde ". Pour le paraphraser, on pourrait dire aussi qu'on croit qu'on va faire un voyage, mais c'est finalement , à des degrés divers, toujours un autre qu'on fait . Cette réalité aléatoire a un nom, de surcroit étroitement lié à l'origine au voyage : la sérendipité (ou bien "effet Serendip"). Ce qui signifie "trouver quelque chose qu'on ne cherchait pas ".
Le mot "serendipity" a été inventé en 1774 par l'anglais horace Walpole, en s'inspirant des "Aventures des trois princes de Serendip" (ancien nom du Ceylan, Sri Lanka à présent ) , conte persan dont il était l'auteur . Il s'agit du récit d'un voyage d'aventure au fil duquel les heros, par hazard, erreur ou accident , découvrent des choses qu'il ne cherchaient pas, mais que néanmoins leur sagacité note. Le concept de cette expérience aléatoire a été utilisé pour la découverte scientifique par des analystes, qui estiment que le tiers des prix Nobel de chimie et le quart de ceux de physique sont de produits de la serendipité ! Et pour le voyage, qu'en est-il?
Force est ce constater ici aussi l'omniprésence du phénomène. Qu'on pense à christophe Colomb, qui découvre l'Amerique en ne la cherchant pas. Ou, coté fiction,à Phileas Fogg, qui, lors de son tour du monde en quatre-vingts jours, trouve l'amour par hasard. Du candide de Voltaire en quête de Cunegonde au Palomar de Calvino en quète de sérénité au japon, la littérature de voyage recèle nombre de rebondissements "serendipitéens".C'est la un des plus vieux scénario que modestes voyageurs par profession ou par loisir, nous connaissons tous .
(...)Le hasard ne suffit pas : la sérendipité suppose aussi une capacité à saisir l'intérêt de l'inattendu.
  • Or les voyageurs d'aujourd'hui sont de plus en plus dépourvus de cette capacité. Avec leur électonique embarquée, du GSM au GPS, ils se comportent comme des prévisionnistes nourrissant une phobie de l'imprevu, si bien que l'inattendu ne peut plus etre à leur yeux qu'une defaillance, un gachis, une perte de temps et d'argent. Ils vivent fachés avec l'incertain et , sitot qu'un fait sort du champ des possibles envisagés, l'effet serendip devient un evenement catastrophique, un facteur de chaos, de désorganisation du voyage , de déprogrammation. Ainsi l'aventure se fait-elle mésaventure, le hasard devient-il accident et le dépaysement , dérangemnt.Ainsi l'aventure cesse-t-elle d'étre possible !
Car, en fonction du vecu que l'on en a , cet "accident " a deux destins . Occasion inespeérée ou désastre logistique , digression fantaisiste ou vaine divagation , detour opportun ou égarement incongru, cette conscience est selon les cas heureuse ou malheureuse. Et aujourd'hui cette derniere l'emporte. Tout voyage d'agrément est devenu anticipé , millimétré dans ses étapes et ses services, un investissement avec obligation de résultats . dès lors, tout "hors-piste" conduit le voyageur mécontent à se plaindre, incapable qu'il est désormais de tirer profit de l'écart.
Pourtant, n'ayant pu trouver une voiture à louer a La nouvelle-orleans dans les années 1970, je me souviens d'avoir été contraint de rejoindre Saint Louis par la vallée du Mississippi dans un ces mythique cars argentés avec un lévrier peint sur le flanc . Cela est resté pour moi un des épisodes accidentels les plus riches de mes voyages. Jackson, Greenwood, Menphis, Cairo furent les villes étapes d'une lente remontée vers le nord au fil de laquelle les passagers afro-americains me convièrent, par hasard mais dans la bonne humeur, a une leçon de relativisme et à un vertige de mohican . Une expérience exceptionnelle, ou un instant , unique Blanc parmi les Noirs, je me suis senti seul comme jamais je ne l'aurais été dans une voiture de location.
Jean-Didier Urbain